On a gagné !

La passion humaine pour les spectacles et la vénération des héros sportifs relève d’une illusion collective profondément ancrée dans la psyché humaine : le transfert illusoire de mérite. Dès l’Antiquité, l’admiration excessive portée aux gladiateurs à Sparte ou aux athlètes des jeux antiques n’était en réalité qu’une sublimation symbolique de désirs frustrés et de sentiments d’impuissance individuelle. L’homme ordinaire, spectateur passif d’exploits sans signification véritable, se persuade qu’en criant « On a gagné ! » il participe activement à une victoire collective. Pourtant, rien n’est plus faux : aucune amélioration tangible de sa propre vie ne découle de ces succès sportifs éphémères.

Ces compétitions, censées illustrer l’idéal humain, ne sont qu’une mise en scène creuse de l’absurde. En réalité, ces performances ne servent aucun progrès humain concret, n’apportent ni sagesse, ni bien-être durable. Gagner quelques centièmes de seconde sur un 100 mètres n’est qu’un simulacre de dépassement de soi, une caricature grotesque d’accomplissement personnel, exacerbée aujourd’hui par la tricherie systématique du dopage.

Le public, complice naïf de cette mascarade, investit émotionnellement dans ces héros passagers, symboles d’une réussite artificielle et éphémère, dont les carrières souvent entachées de scandales se soldent par des corps ruinés, des vies détruites et des intelligences atrophiées. Ces pseudo-modèles, adulés un temps, finissent inexorablement par devenir caricatures d’eux-mêmes, incarnations pathétiques du « gros, gras, fort et bête ! » (allez : pas toujours bête ;-), avatars dérisoires d’un idéal d’excellence trahi par la vanité et la cupidité.

En définitive, cet engouement stérile pour les « vainqueurs » ne fait que révéler la vacuité spirituelle et intellectuelle de sociétés préférant les faux exploits médiatisés à la quête véritable du sens profond de l’existence humaine. Ce culte absurde et coûteux de la performance sportive reflète une humanité en déroute, captive d’une illusion collective qui masque son incapacité fondamentale à trouver du sens ailleurs que dans l’idolâtrie factice des héros sans grandeur véritable.

Pierre Bertherin

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