Ou la théorie de l’usurpation symbolique
L’absence criante de figures authentiques
L’époque moderne se distingue par une pénurie flagrante de figures véritablement exemplaires. Ni dans la politique, ni dans les affaires, ni dans la pensée, ni même dans l’art, n’émergent des êtres d’exception capables d’incarner une véritable grandeur morale, existentielle ou visionnaire. L’humanité semble avoir vidé le monde des héros réels.
Le simulacre incarné : l’acteur comme imposture sociale
L’acteur incarne le triomphe du simulacre. Sa mission n’est pas de vivre des vérités, mais de les imiter. Il devient le réceptacle d’un imaginaire collectif, sans jamais en être le créateur ni le garant. Pourtant, la société lui prête, dans un délire d’identification, les vertus mêmes de ses rôles : bravoure, loyauté, intelligence, sens moral… alors qu’il ne fait que jouer à les posséder.
L’influenceur toxique : l’imposture moraliste
Pire encore : les acteurs deviennent aujourd’hui des prescripteurs d’opinion. On les écoute en politique, en écologie, en morale, comme si réciter un texte avec émotion leur conférait une autorité éthique ou intellectuelle. L’opinion publique les élève en oracle, ignorant que leur métier n’exige qu’une belle gueule, un certain narcissisme, une capacité à feindre.
La société du spectacle comme maladie mentale collective
C’est le règne de l’apparence sur l’être, du paraître sur l’agir. Le philosophe, le sage, le résistant, le visionnaire — tous sont désormais balayés par le fracas médiatique des illusions. La foule ne désire plus la vérité, mais le frisson de la fiction. Nous vivons dans une psychose collective où le faux est préféré au vrai, car le faux est plus séduisant, plus consommable, plus facile à digérer.
Le test du réel : l’écran s’effondre
Qu’un acteur soit confronté à une véritable épreuve de vie, un danger réel, une guerre, une injustice criante dans la rue : et soudain, la posture s’effondre. Là où le héros aurait agi, il hésite. Là où le sage aurait parlé, il fuit. Le courage véritable, cette fibre intime qui relie l’âme à l’action, ne peut s’acheter ni se jouer : elle se révèle dans la nudité du réel.
Ah ! Si cette idolâtrie pouvait cesser !
Nous ne pouvons plus continuer à déléguer nos aspirations aux marionnettes du divertissement. Il faut abattre les statues des fausses gloires et reconstruire notre imaginaire collectif sur des bases solides : le courage, la lucidité, la pensée libre, l’intégrité.
Une révolution anthropologique nécessaire
L’humanité doit rompre avec sa fascination morbide pour les faux dieux. Il est temps de réapprendre à distinguer l’image de la réalité, le discours de l’expérience, le jeu de la vertu. Nous devons cesser de déléguer nos idéaux à ceux qui ne les incarnent pas, sous peine de sombrer dans une infantilisation définitive.
Les idoles comme les rois n’ont que le pouvoir qu’on leur donne !
Il est temps de changer d’ère !
Pierre Bertherin